Baux commerciaux : vers une mensualisation des loyers et un plafonnement des dépôts de garantie

Dans un contexte économique marqué par l’inflation et les difficultés de trésorerie rencontrées par de nombreux commerçants, le gouvernement a annoncé, par le biais d’un communiqué de presse du ministère de l’Économie et des Finances du 4 avril 2024, sa volonté d’introduire deux nouvelles mesures visant à alléger les contraintes financières des locataires de baux commerciaux. Ces mesures, qui pourraient être incluses dans le projet de loi « Simplification », concernent la mensualisation des loyers et le plafonnement des dépôts de garantie à trois mois de loyer.

Contexte actuel : un poids financier pour les commerçants

Les baux commerciaux sont souvent source de tensions financières pour les commerçants, notamment en ce qui concerne les modalités de paiement des loyers et les exigences de dépôt de garantie. En l’état actuel du droit, il est fréquent que les loyers des baux commerciaux soient exigibles par trimestre d’avance, en vertu des dispositions contractuelles négociées entre bailleurs et locataires. Cette pratique est lourde de conséquences pour les commerçants, en particulier pour les jeunes entreprises ou celles disposant de trésoreries limitées. Payer plusieurs mois de loyers d’un seul coup peut entraîner des tensions de trésorerie, limitant ainsi les marges de manœuvre financière des locataires.

Par ailleurs, lorsqu’un commerçant signe un bail commercial, il est généralement tenu de verser un dépôt de garantie au bailleur. Ce dépôt, destiné à couvrir d’éventuelles défaillances dans le paiement des loyers ou des dégradations du local, peut atteindre des montants importants. Dans certains cas, les propriétaires exigent jusqu’à 12 mois de loyers à titre de dépôt de garantie, ce qui représente un frein important à l’entrée des nouveaux acteurs sur le marché. Les commerçants se retrouvent donc à immobiliser des sommes conséquentes dès le début de leur activité, avant même d’avoir généré des revenus.

Ces deux aspects des baux commerciaux – paiement trimestriel des loyers et dépôt de garantie élevé – constituent un véritable obstacle pour les entreprises, en particulier les petites et moyennes entreprises (PME) qui peinent souvent à mobiliser des ressources financières suffisantes pour faire face à ces exigences. C’est dans ce cadre que le gouvernement entend intervenir en introduisant de nouvelles règles.

La mensualisation des loyers : un assouplissement bienvenu

La première mesure annoncée par le gouvernement concerne la mensualisation des loyers. Actuellement, bien que la loi n’impose pas de périodicité particulière pour le paiement des loyers commerciaux, la pratique majoritaire est le paiement trimestriel. Toutefois, certains locataires réussissent à négocier une mensualisation des loyers au moment de la conclusion du bail. Cette solution, bien que rare, est appréciée, car elle permet de lisser les charges sur l’année et de réduire la pression sur la trésorerie mensuelle.

Si la mesure est adoptée, la mensualisation des loyers deviendrait un droit pour les locataires de baux commerciaux. Ainsi, chaque commerçant pourrait demander à son bailleur de convertir le paiement de ses loyers en mensualités, y compris pour les baux en cours. Cette mensualisation permettrait d’alléger les sorties de trésorerie, en répartissant le montant du loyer sur douze mois, au lieu de le concentrer sur quatre échéances.

L’objectif de cette mesure est de favoriser la fluidité financière des commerçants et de leur permettre de mieux gérer leur trésorerie, tout en évitant des pics de dépenses à certaines périodes de l’année. Ce changement pourrait également contribuer à limiter les impayés de loyers, en rendant les échéances plus régulières et moins lourdes à assumer pour les locataires.

Pour autant, la mensualisation des loyers ne signifie pas que la facturation devra nécessairement être adaptée. Le gouvernement prévoit en effet que la facturation pourra demeurer trimestrielle, afin de ne pas perturber les processus de gestion administrative des baux pour les bailleurs. Dans ce cas, bien que la facture couvre trois mois de loyer, le commerçant pourrait demander à régler cette somme en plusieurs mensualités.

Le plafonnement des dépôts de garantie : vers plus d’équité

La deuxième mesure envisagée par le gouvernement concerne le plafonnement des dépôts de garantie à trois mois de loyer. Actuellement, le montant du dépôt de garantie est librement fixé par les parties au moment de la conclusion du bail commercial, sauf en ce qui concerne les baux d’habitation, où il est limité à deux mois de loyer hors charges. Il n’est pas rare que les bailleurs exigent des dépôts de garantie importants, particulièrement dans les zones à forte demande commerciale. Certains baux commerciaux peuvent ainsi prévoir des dépôts de garantie représentant jusqu’à une année de loyer.

Ce plafonnement des dépôts de garantie à trois mois de loyer est une mesure attendue par de nombreux commerçants, en particulier les jeunes entrepreneurs ou les commerces de proximité, qui se trouvent souvent pénalisés par ces montants élevés. Le dépôt de garantie constitue en effet une somme importante que le locataire doit verser dès l’entrée dans les lieux, généralement en plus des frais d’installation et d’aménagement de son commerce.

Ce mécanisme d’immobilisation des fonds représente une difficulté majeure pour les commerces qui ne disposent pas de liquidités suffisantes pour supporter une telle charge, ou qui doivent recourir à des financements externes pour lancer leur activité. En limitant le dépôt de garantie à trois mois de loyer, le gouvernement entend offrir une plus grande sécurité financière aux commerçants, et faciliter l’accès à la location pour les nouveaux entrants sur le marché.

En outre, cette mesure pourrait également profiter aux locataires de baux en cours. En effet, si le dépôt de garantie déjà versé dépasse trois mois de loyer, le commerçant pourrait demander la restitution du montant excédentaire, lui permettant ainsi de récupérer des liquidités mobilisées inutilement. Cela offrirait un coup de pouce financier bienvenu aux commerçants, en particulier dans un contexte économique difficile.

Les conséquences pour les bailleurs : une gestion plus souple, mais des garanties à revoir

Ces nouvelles mesures, bien qu’orientées vers une protection accrue des commerçants, ne sont pas sans conséquence pour les bailleurs. En effet, la mensualisation des loyers et le plafonnement des dépôts de garantie pourraient être perçus comme une perte de garanties pour les propriétaires de locaux commerciaux. Le paiement trimestriel des loyers assure en effet une certaine sécurité financière aux bailleurs, en réduisant le risque d’impayés et en leur permettant de mieux anticiper leurs revenus locatifs.

De même, les dépôts de garantie élevés constituent une forme de garantie contre les défaillances des locataires. Limiter le montant de ces dépôts pourrait conduire les bailleurs à revoir leur politique de sélection des locataires, en renforçant les critères de solvabilité ou en exigeant des garanties supplémentaires, telles que des cautions personnelles ou des assurances loyers impayés.

Cependant, il est à noter que ces mesures n’empêchent pas la conclusion d’accords spécifiques entre bailleurs et locataires. Les parties pourront toujours convenir de modalités de paiement adaptées à leurs besoins respectifs, dans le respect des nouvelles dispositions légales. Par ailleurs, les bailleurs conserveront la possibilité d’exiger des garanties complémentaires pour se protéger contre les risques locatifs, notamment en cas de défaut de paiement ou de dégradations des locaux.

Conclusion : des mesures attendues pour une meilleure répartition des charges

La mensualisation des loyers et le plafonnement des dépôts de garantie annoncés par le gouvernement constituent des mesures qui, si elles sont adoptées, allégeront significativement les contraintes financières pesant sur les commerçants. Ces réformes visent à favoriser une gestion plus souple des baux commerciaux, en permettant aux locataires de mieux répartir leurs charges et de préserver leur trésorerie.

Ces mesures devraient permettre aux commerçants de mieux faire face aux défis économiques actuels et de privilégier l’accès à la location commerciale pour les entreprises en démarrage ou les commerces de proximité. Toutefois, elles impliquent également une adaptation des pratiques pour les bailleurs, qui devront composer avec une gestion administrative plus flexible et des garanties moins importantes.

Dans l’ensemble, cette réforme, encore en discussion dans le cadre du projet de loi « Simplification », s’inscrit dans une volonté de modernisation des rapports locatifs commerciaux, en répondant aux attentes des acteurs économiques tout en préservant l’équilibre entre les droits des locataires et des bailleurs. Affaire à suivre, donc, pour connaître l’issue définitive de ce projet de loi et ses modalités d’application.

Communiqué de presse du ministère de l’Économie et des Finances du 4 avril 2024

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