Le 7 novembre 2024, l’Assemblée nationale a adopté une loi attendue depuis plusieurs années : la loi Le Meur, communément appelée “loi anti-Airbnb”. Ce texte législatif marque un tournant dans la régulation des locations de courte durée via des plateformes comme Airbnb, Abritel ou Booking. Il introduit une série de mesures visant à rééquilibrer le marché immobilier, à protéger les locataires permanents et à redonner du pouvoir aux municipalités. Cet article explore en détail les changements qu’apporte cette nouvelle loi, leurs implications pour les propriétaires et les locataires, ainsi que les réactions qu’elle suscite.
Contexte de la loi : une réponse à la crise du logement
Depuis l’apparition des plateformes de location de courte durée, le paysage locatif français a été profondément transformé. Si ces plateformes offrent une opportunité économique pour les propriétaires et les municipalités, elles sont également accusées de raréfier les logements disponibles pour les résidents permanents. Dans des zones tendues comme Paris, Marseille, Biarritz ou Rennes, la spéculation immobilière a fait grimper les loyers et exacerbé les tensions entre locataires et propriétaires.
Les élus locaux, souvent démunis face à l’ampleur du phénomène, ont multiplié les appels à l’aide. Selon une étude récente, près d’un million de meublés touristiques ont remplacé des logements classiques en quelques années, aggravant la pénurie de logements. La loi Le Meur vise donc à offrir une “boîte à outils” aux municipalités pour réguler efficacement ces pratiques.
Les principales mesures de la loi Airbnb 2024
Limitation des jours de location des résidences principales
La loi permet désormais aux maires de réduire à 90 jours par an (contre 120 jours auparavant) la durée maximale de location des résidences principales via des plateformes comme Airbnb. Cette mesure vise à freiner la transformation de résidences permanentes en logements touristiques, particulièrement dans les zones tendues ou les communes où les résidences secondaires représentent plus de 20 % des habitations.
Pour garantir l’application de cette règle, les propriétaires devront fournir un justificatif de domicile avant de mettre leur logement en location.
Quotas de meublés de tourisme et zones dédiées aux résidences principales
Les municipalités peuvent dorénavant imposer des quotas de meublés de tourisme dans leur Plan Local d’Urbanisme (PLU). Ces quotas permettront de réserver des zones spécifiques à la construction ou à l’habitation de résidences principales, limitant ainsi l’impact des locations touristiques sur le marché immobilier.
Cette mesure est particulièrement pertinente dans les villes touristiques et les zones côtières comme la Bretagne, le Sud-Ouest ou les Alpes, où des villages entiers se sont vidés au profit de locations saisonnières.
Obligation d’un diagnostic de performance énergétique (DPE)
La loi soumet les meublés de tourisme aux mêmes exigences de performance énergétique que les logements loués à l’année. Les propriétaires devront désormais obtenir un DPE classé au moins F d’ici 2025 et E d’ici 2028. À partir de 2034, tous les meublés de tourisme devront présenter une classification comprise entre A et D pour pouvoir être loués.
Cette mesure vise à éviter que les logements interdits à la location classique en raison de leur mauvaise performance énergétique ne soient détournés vers des plateformes comme Airbnb. Les contrevenants risquent une amende de 5 000 euros.
Révision de la fiscalité des locations touristiques
La fiscalité appliquée aux meublés de tourisme a été revue à la baisse, limitant les avantages fiscaux pour les propriétaires. À partir de 2025 :
- Les meublés classés bénéficieront d’un abattement réduit à 50 % dans la limite de 77 700 € de revenus locatifs annuels (contre 71 % auparavant).
- Les meublés non classés verront leur abattement passer à 30 % pour des revenus plafonnés à 15 000 € par an (contre 50 % et 77 700 € auparavant).
De plus, les propriétaires ne pourront plus déduire les amortissements dans le calcul de la plus-value immobilière lors de la vente de leur bien.
Sanctions renforcées
Pour garantir le respect des nouvelles règles, la loi prévoit des sanctions financières significatives :
- Une amende de 25 000 euros en cas de dépassement des quotas ou des durées de location autorisées.
- Une amende de 10 000 euros pour les propriétaires n’ayant pas enregistré leur meublé en mairie.
- Une amende de 20 000 euros en cas de fausse déclaration ou d’utilisation d’un faux numéro d’enregistrement.
Changements pour les copropriétés
Les locations saisonnières dans les copropriétés sont souvent source de tensions. La loi facilite désormais la modification des règlements de copropriété pour interdire ces pratiques :
- Les copropriétaires pourront voter cette modification à la majorité des deux tiers, au lieu de l’unanimité exigée auparavant.
- Les nouveaux règlements de copropriété devront clairement indiquer si la location touristique est autorisée ou non.
Les propriétaires ou locataires souhaitant louer leur bien devront également informer le syndic et s’assurer que leur activité est conforme aux règles de l’immeuble.
Réactions et impacts de la loi
Une opportunité pour les municipalités
Pour les maires, cette loi représente une avancée majeure. Elle leur permet de mieux encadrer les locations touristiques et de protéger le marché locatif classique. Des villes comme Paris, Marseille et Bordeaux pourront désormais ajuster leurs politiques en fonction des besoins locaux, notamment en définissant des zones réservées aux logements permanents.
Des inquiétudes chez les propriétaires
Du côté des propriétaires, les réactions sont plus mitigées. Beaucoup s’inquiètent de la perte de revenus potentielle et des nouvelles contraintes administratives. Les plateformes comme Airbnb ont également exprimé leurs réserves, estimant que ces mesures risquent de dissuader les familles de louer occasionnellement leur logement.
Cependant, certains propriétaires voient dans cette loi une opportunité de professionnaliser leur activité et de se conformer à des normes plus strictes, ce qui pourrait renforcer leur attractivité auprès des locataires.
Un soutien de l’hôtellerie
Le secteur hôtelier, qui a longtemps critiqué la concurrence jugée déloyale des plateformes de location, accueille favorablement cette loi. Elle pourrait encourager un retour des touristes vers des hébergements plus traditionnels, contribuant ainsi à relancer l’activité des hôtels, auberges et chambres d’hôtes.
Une loi équilibrée ou trop contraignante ?
Si la loi Le Meur ne vise pas à interdire les locations touristiques, elle cherche à en limiter les excès. Son objectif est de trouver un équilibre entre l’activité économique générée par le tourisme et les besoins des habitants en matière de logement.
Les prochains mois seront cruciaux pour observer l’impact réel de cette législation. Les municipalités devront adopter des décrets d’application et mettre en place les outils nécessaires pour contrôler efficacement le respect des nouvelles règles.
Conclusion
La loi Airbnb 2024 est une réponse forte à la crise du logement qui touche de nombreuses régions en France. En limitant la durée des locations, en imposant des normes énergétiques strictes et en renforçant les pouvoirs des municipalités, elle vise à rétablir un équilibre entre l’essor touristique et les besoins des habitants.
Si cette loi suscite des inquiétudes chez certains acteurs, elle marque une étape importante dans la régulation des locations de courte durée. En apportant plus de transparence et de contrôle, elle pourrait favoriser une coexistence plus harmonieuse entre les touristes, les résidents permanents et les professionnels du secteur.
Proposition de loi, 7 novembre 2024, texte n° 7
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